Biodiversité marine en Méditerranée
Pour une fois, pas plein de photos, mais un peu de lecture après cette dernière Journée mondiale de l’eau. Il s’agit d’un texte tiré d’une publication du CNRS : Le développement durable à découvert. Dans lequel il est entre autre question de la Méditérranée dans laquelle nous aimons encore plonger avec plaisir. Nous vous donnons les références de l’ouvrage en question auquel vous pourrez vous référer pour les appels de notes, en pied de ce billet.
Changements d’usage
Trop longtemps, la mer a été considérée comme un puits sans fond. Cela s’est traduit physiquement par des rejets massifs en mer de tout objet indésirable à terre, de la matière fécale au fût de déchets nucléaires. En Méditerranée, par exemple, la littoralisation des populations urbaines et les constructions anarchiques augmentent considérablement la turbidité* des eaux littorales, ce qui impacte durablement les herbiers de posidonie*, dont le rôle de « poumon » et de « nurserie » est essentiel pour toute une biodiversité associée.
Les sociétés humaines sont aussi passées d’une pêche de subsistance à la pêche industrielle et à l’aquaculture. Il y a 40 ans à peine, elles puisaient encore de manière non contrôlée dans les ressources marines vivantes. Malgré des avertissements clairs, tels que l’effondrement des stocks de cabillaud, le réflexe consumériste a été de se tourner vers de nouvelles espèces ou de nouveaux écosystèmes à exploiter. Ainsi, la demande globale ne cesse d’augmenter et de nombreuses espèces « nobles », souvent prédatrices de bout de chaîne alimentaire, comme le thon rouge, ne peuvent plus accomplir leur « fonction » écologique dans le milieu marin. Les chaînes alimentaires sont déstabilisées et entraînées vers d’autres états stables aux conséquences encore inconnues. Tout comme sont inconnues les conséquences d’une pêche industrielle qui se tourne vers l’exploitation des écosystèmes profonds, pourtant peu résilients (cf. IV.4).
Les êtres vivant en mer sont également affectés par l’anthropisation. En effet, le littoral est particulièrement « artificialisé », comme au niveau d’un port, d’une jetée, ou d’une villa construite trop près de la mer. Plus loin en mer, les ancres des plaisanciers et les traits de chalut répétés ont pour effet d’accentuer le morcellement et la fragmentation de l’habitat d’espèces marines. Ainsi isolées de leur nourriture, de leur abri, ou de leurs congénères par de trop grandes distances, les espèces les plus sensibles peuvent faire l’objet d’un déclin démographique important et/ou subir une perte de diversité génétique des populations. La biodiversité marine subit ainsi, même indirectement, les impacts des activités humaines (cf. III.17).
Espèces « aliens »
Les invasions biologiques sont un élément important du changement global. Toutes les régions du monde voient se développer des espèces exotiques également dites « aliens ». Les voies d’introduction sont nombreuses : transport maritime (coques de bateau, eaux de ballast), aquaculture (importation directe d’espèces ciblées, ou indirecte d’espèces associées), ouverture de nouvelles voies maritimes…, et aussi suite à des accidents. Les autres composantes du changement global peuvent favoriser ce phénomène et parfois causer le déclin d’écosystèmes marins et la quasi-disparition d’espèces, parfois à cause de l’introduction de pathogènes*. Une invasion peut donc avoir des effets irréversibles sur les communautés natives* et des conséquences économiques pour les activités humaines dépendantes de la biodiversité (pêche, tourisme). Cela est le cas des explosions démographiques de méduses, pour lesquelles les facteurs déclenchant sont, entre autres, la surpêche, la pollution, le réchauffement. La Méditerranée, en particulier, est un haut lieu d’introduction d’espèces : environ 600 « aliens » y seraient dénombrés, soit environ 5 % de ses effectifs en espèces de la Méditerranée. Une majorité a été introduite via le Canal de Suez, ces « espèces lessepsiennes* » étant susceptibles de voir leur progression en Méditerranée favorisée par les changements de régime thermique. Le rythme des introductions s’accélère, et il est probable que toutes ne soient pas détectées.
PÉREZ, Thierry ; CHEVALDONNÉ, Pierre. 21. Biodiversité marine en Méditerranée In : Le développement durable à découvert [en ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2013 (généré le 23 mars 2019). Disponible sur Internet :